
Une BX-bench et 8 cartes postales et routières d’anticipation par IDSland / collect all 8! postcards of automotive future! from IDSland - Cologne 2000
Musique : Rodolphe Burger "slowrider" (merci Rodolphe !)
1. formula one for all
Dans les années 2000 l’autoroute est devenue la véritable arène de la lutte des classes (C et S) et de segmentation de la société (sur 4 voies). L’apparition, au début du millénaire, des 4x4 routiers surpuissants a érigé la conduite sportive en art obligé et le moindre créneau ou départ arrêté à un feu rouge sont agrémenté d’un dérapage au frein à main ou d’une traînée brûlante de caoutchouc soigneusement dosée. Au milieu des rues transformées en Monaco Grand Prix et des pleins de super réglés en 9''59, la Formule 1 apparut vite comme un spectacle contemplatif, réservé à quelques intellos frileux. Du jour au lendemain, les constructeurs fermèrent le "laboratoire de l’automobile" et appliquèrent les fameux "transferts technologiques" directement sur le mulet de M. Dupont. L’audience en chute, les sponsors fuyants, les pilotes ridiculisés obligèrent la FIFA à réagir prestement : des modifications techniques majeures, allant dans le sens du spectacle et du tiroir-caisse, furent décidées : surcharge aérodynamique d’annonceurs illimitée, aquaplaning sur vote du public, ouverture impromptue de parachutes publicitaires au gré des pics d’audience, choix du pilote parmi les gros clients des sponsors, circuits à double sens, direction assistée électronique réglée par médiamétrie, voiture balai obstacle, people embarqué à l’arrière… À chaque arrêt dans les stands, l’encollage d’une nouvelle affiche 4x3, par une armée de mécanos seau à colle et raclette à la main, constituait le pic de suspens de ces nouveaux championnats.
2. "running picnic" et "home, sweet car"
Dans les années 2000 l’autoroute est devenue la véritable arène de la lutte des classes (C et S) et de segmentation de la société (sur 4 voies). L’apparition, au début du millénaire, des 4x4 routiers surpuissants produits par BMW, Volvo et Lexus divisa si bien le marché que la puissance et l’arrogance se confondirent dans les lignes et les performances des véhicules mais aussi dans les mœurs et les désirs des conducteurs : bientôt plus aucun positionnement de gamme ne se fit en dessous de ce palier. Pour aller chercher le pain le dimanche matin, un conducteur moyen faisait désormais rugir les 12 cylindres de son Audi TT. Le prix de base d’un véhicule était alors si important, les performances hors-norme si communes et la volonté de puissance si partagée que les constructeurs eurent un instant la tentation de fusionner en un seul conglomérat. Mais le mirage collectif de la concurrence fut relancé par le bas : on se mit à proposer des caractéristiques haut de gamme dans les services annexes. Coupé-lavomatic, pick-up-baby-sitter, 4x4- coiffeur, berline-expresso… Très vite, la Lincoln-Navigator-piano-à- queue, bien qu’inamovible, fut du dernier chic dans les salons. Restait à savoir en jouer.
3. simple bumpy
Dans les années 2000 l’autoroute est devenue la véritable arène de la lutte des classes (C et S) et de segmentation de la société (sur 4 voies). L’apparition, au début du millénaire, des 4x4 routiers surpuissants produits par BMW, Volvo et Lexus divisa si bien le marché que les propriétaires de ces véhicules, piqués au sang par les slogans ultra-virils scandés par les constructeurs, s’identifièrent réellement à une caste supérieure : le mépris du véhicule précédant devint un article du code de la route et le moindre tronçon de route considéré comme un espace privé « à nettoyer ». Pour la première fois, les oracles du marketing se virent incapables de prévenir les tendances du marché, désormais gouvernés par le besoin immédiat et impérieux de dégager le fumier de devant. Les premières mesures furent d’ordre onomastique : la Jeep Cherrokee devint la « Dry Gulch Ranger », l’Audi A3 se vit accolée du suffixe « push », la A5, le préfixe « hell-in-your-back » et la fameuse trilogie Mercedes 450, 550 et 950 complétée par la mention « private- road ». Quelques mois plus tard, l’option « bumpy » apparut au catalogue BMW – en fait un simple bloc de mousse compacte. Cet appendice du tape-cul était si demandé qu’il fut vite rangé dans les équipements de base, puis assorti à la teinte de la carrosserie avant qu’une fausse calandre peinte ne le fit définitivement disparaître – bien qu’il faille en changer tous les 10 péquenots poussés dans le fossé, ainsi que précisé par votre concessionnaire.
4. super bumpy
Dans les années 2000 l’autoroute est devenue la véritable arène de la lutte des classes (C et S) et de segmentation de la société (sur 4 voies). L’apparition, au début du millénaire, des 4x4 routiers surpuissants produits par BMW, Volvo et Lexus divisa si bien le marché que les propriétaires de ces mastodontes, piqués au sang par les slogans ultra-virils scandés par les constructeurs, s’identifièrent réellement à une caste supérieure : le mépris du véhicule précédant devint un article du code de la route et le moindre tronçon de route considéré comme un espace privé « à nettoyer ». La lutte implacable qu’ils menaient sur les routes transformèrent les déplacements en stage de survie. L’alternative, hâtivement bricolée par des constructeurs empressés de monnayer à prix d’or l’antidote à leur poison, fut d’abord décevante : le baggy, un véhicule entièrement entouré d’air-bag transparents joncha très vite les routes, immobilisé sur le dos comme un scarabée impuissant. Le super-bumpy, taillé dans la mousse polyuréthane renforcée du simple bumpy, assurait non seulement une protection sans faille mais permettait également une conduite insouciante, si bien qu’il fut le premier véhicule dispensé de permis de conduire. Conçu pour protéger les conducteurs de leurs semblables, ce combiné bloc-moteur + bloc- mousse séduit les piétons et les usagers des transports publics : avec lui, traverser les carrefours les plus dangereux aux heures de pointe devenait aussi simple que de jouer des coudes dans la foule du métro et se garer se résumait à un simple arrêt inopiné ou une incursion dans un interstice quelconque. Au retour, on était certain de retrouver quelques super bumpy disséminés au gré du vent mauvais du trafic.
5. the pioneer wagon
Dans les années 2000 l’autoroute est devenue la véritable arène de la lutte des classes (C et S) et de segmentation de la société (sur 4 voies). L’apparition, au début du millénaire, des 4x4 routiers surpuissants produits par BMW, Volvo et Lexus divisa si bien le marché que les propriétaires de ces véhicules, piqués au sang par les slogans ultra-virils scandés par les constructeurs, s’identifièrent réellement à une caste supérieure : le mépris du véhicule précédant devint un article du code de la route et le moindre tronçon de route considéré comme un espace privé « à nettoyer ». La lutte implacable qu’ils menaient sur les routes transformèrent les déplacements en stage de survie. Se sentir en sécurité dans sa voiture ne suffisait plus et les constructeurs se montraient bien incapables d’anticiper des tendances nouvelles : le libre-arbitre sécuritaire et le collectivisme de risque. Une réponse radicale nous vint du côté des constructeurs de trottinettes sous la forme d’un châssis motorisé par un bloc de mobylette. L’apparition de la plate-forme mobile collective fut accueillie avec soulagement. Sa vitesse réduite, son dépouillement extrême, sa visibilité totale permettait à ses occupants de se démarquer du rodéo ambiant. Comme dans un safari moderne, leurs occupants observaient à la jumelle le trafic, se concertaient sur le comportement d’un véhicule approchant et sautaient du véhicule au moindre danger. En ville, ils plaçaient leur vie dans les mains de conducteurs dont le credo était : « moins de sécurité, plus de responsabilités ». Les meilleurs d’entre eux se voyaient confier par les multinationales un comité de direction au complet à conduire à l’aéroport. Peu à peu, les plates-formes furent totalement ignorées par les simple-bumpy ou autres véhicules belliqueux et devinrent un espace privilégié pour la contemplation, le repos et l’amour.
6. urban-subaru
Dans les années 2000 l’autoroute est devenue la véritable arène de la lutte des classes (C et S) et de segmentation de la société (sur 4 voies). L’apparition, au début du millénaire, des 4x4 routiers surpuissants produits par BMW, Volvo et Lexus modifie profondément les mœurs routières et le code afférent. Les limitations de vitesse, les taxes par cylindrés, les vignettes antipollution, toutes ces entraves au renouvellement de la « magie automobile » tombent d’un seul bloc sous le poids des lobby constructeurs et du Touring-Club-des-Suceurs-de-Culs, la puissante association des usagers d’autoroute. L’ONU parvint à imposer aux groupes de pression une politique d’équipement en faveur des villes contre une liberté de conduite sur les grands axes et une libéralisation totale des performances moteurs. Des cahiers des charges, basés sur des études d’usage, des schémas urbains, des audits de santé publique et des prospectives de designers, préconisèrent l’intégration de la voiture dans la ville comme élément constitutif de celle-ci. Ces recommandations connurent diverses infortunes : la voiture-jardin semblait magnifique en stationnement mais perdait ses feuilles à plus de 130 KM/H, les assises amovibles de la bench-car étaient une cible de choix pour les tape-culs, l’office-park-car déclenchait des bagarres incessantes entre les propriétaires de véhicule et les cols blancs interrompus en réunion- stratégie. Peu à peu les constructeurs se contentèrent de supprimer les places arrière (depuis longtemps caduques), doubler la carrosserie en zinc antidérapant, compresser les surcoûts, dégraisser en conséquence : on vit un moment de jeunes amoureux danser sur les capots puis on n’en parla plus.
7. less power generation
Dans les années 2000 l’autoroute est devenue la véritable arène de la lutte des classes (C et S) et de segmentation de la société (sur 4 voies). L’apparition, au début du millénaire, des 4x4 routiers surpuissants produits par BMW, Volvo et Lexus modifie profondément les mœurs routières et le code afférent. Peu à peu, la distance savamment entretenue par les fabricants entre le désir et les performances, le prixTTC et le rêve fond comme neige sous les pneus brûlants d’un SUV (sport-urban-vehicule) poursuivant un traînard-à-berline. Avec la disparition du second degré publicitaire les conducteurs se mirent à ressembler réellement à leur voiture comme les maîtres à leur pit-bull. Les designers sombrèrent alors dans la caricature pure et simple. Ce mimétisme outré cible/ produit remit le design au centre du débat d’une façon inattendue : après la manne phrénologique, les ingénieux du marketing s’attaquèrent au segment des goûts (voitures-à-la-pistache), des fantasmes (voitures-jarretelles), des névroses (voitures-assez- proches-de-celles-d’aujourd’hui), des minorités, des tuberculeux, des… Ainsi, dans l’enthousiasme général de la croissance, une fraction négligeable de la population se vit proposer, après s’être fait sonder, des véhicules atrophiés, comme recroquevillés autour de leurs attributs virils – le désir de moins de puissance commençait à sourdre. Rien ne fut plus comme avant : la cible invoquait le produit, le produit faisait ce qu’il disait, le design lui disait quoi faire et, hop, le politique débarqua dans le marché. Le ver était dans le moteur…
8. slow rider manifesto
Dans les années 2000 l’autoroute est devenue la véritable arène de la lutte des classes (C et S) et de segmentation de la société (sur 4 voies). L’apparition, au début du millénaire, des 4x4 routiers surpuissants produits par BMW, Volvo et Lexus modifie profondément les mœurs routières et le code afférent. Le rythme infernal imposé par ces tanks hypertrophiés semble accélérer les gestes les plus quotidiens, cabosser les mots les plus doux. Les queues de poissons dans les files d’attente, les dérapages langagiers, les refus de priorité à la salle de bain se multipliaient. Le monde allait mal. Le changer, c’était changer la voiture, ralentir les trafics, ne plus se présenter au poste de conduite, arrêter de braquer. Sans concertation, un mouvement de tuning-idéologique vit le jour simultanément à Madrid, Paris et Los Angeles. Des moteurs désossés, amputés de nombreux cylindres étaient remontés à l’arrière des véhicules ou échangés contre des générateurs de frigos. Le capot déposé, le châssis tronçonné cédaient place à des assises frontales. Des gueuses ou des piles de magazines plombaient les coffres. Des boom-box surdimensionnées couvraient les cris des pédales de freins bloquées à mi-course. Confortablement installés à l’avant, à l’arrière ou marchant nonchalamment à côté, les conducteurs de slow rider débarquaient à 15 km/h max et min, corrigeant négligemment la trajectoire de leur véhicule tous les quarts d’heures, sillonnant les freeway dans le seul but de les contester à bord du premier engin entièrement conçu comme le sabotage effectif d’un autre. Que deux ou trois adeptes se donnent rendez-vous à tel carrefour et c’était toute une ville paralysée pendant des heures – des conducteurs abîmés dans leur songes, des échangeurs sans raison d’être, des compteurs tournant leurs pouces. Cette tumeur au design, ce custom viral manqua de ralentir, voire stopper, l’industrie automobile, les réseaux d’informations, le flux permanent du cash, des bits et des fluides identitaires. Puis, tout fut gâché : dans le monde du slow rider on ne pouvait pas arriver au travail à l’heure, ni sauver un transfusé. Par contre, des heures passées à faire le tour des ghettos dans leurs bureaux roulants permettaient aux dealers de quadriller méticuleusement leur territoire. Le slow business fit la fortune de certains et s’éteignit… lentement.